(Français) Entre gouvernance et surveillance, le coeur de NetMundial balance

ORIGINAL LANGUAGES, 28 Apr 2014

Antoine Duvauchelle, ZDNet – TRANSCEND Media Service

Les Etats regroupés à São Paulo, Brasil devaient se mettre d’accord sur des principes liés à la gouvernance, mais n’avaient visiblement pas prévus l’irruption – pourtant attendue – de la question de la Internet surveillance.

La société civile a parlé. On ne l’attendait pas vraiment, tant la déclaration finale du sommet NetMundial semblait déjà “écrite à l’avance”, comme le relève un participant sur place. Tout semblait mener nos chefs d’Etat, ministres et dirigeants d’organisations internationales sur la voie d’un consensus bon teint qui ravirait tout le monde et ne ferait pas avancer la cause d’Internet d’un iota.

L’Icann avait pourtant balisé le terrain. La présidente du Brésil, Dilma Rousseff, avait assuré un symbole personnel avec son Marco Civil da Internet et fait émerger une légitimité pour son pays sur les sujets du numérique avec l’organisation de ce NetMundial.

La gouvernance, questions plurielles

La gouvernance s’en tirerait avec une déclaration sur l’importance d’entrer dans l’ère de la gouvernance multipartite, l’Icann se retrouverait peut-être un jour sur les bords du Lac Léman, et le département du Commerce américain pourrait continuer de dormir sur ses deux oreilles, les intérêts de son industrie numérique demeurant globalement bien gardée.

Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir vu passer des contributions ou discussions intéressantes. Renaissance numérique, que nous citions hier, participe au NetMundial et y est allé de sa “note de décryptage”, comme d’autres think tanks, associations ou groupement d’influence.

Louis Pouzin avait des choses à dire. Comme Dominique Lacroix, analyste et blogueuse spécialiste de la gouvernance du Net, elle aussi auteure d’une contribution. Ailleurs en Europe et dans le monde, des questions se posaient sur les usages, la surveillance généralisée, le retour à un processus de gouvernance plus démocratique.

Pour Dominique Lacroix par exemple, il est urgent de mettre l’accent sur la gestion des registres d’adresses Internet au niveau global. Pour réduire les disparités régionales : on apprend par exemple que les TLD projetés en Afrique et en Amérique latine font l’objet de très peu d’investissement alors que les services Internet y sont en pleine croissance.

Une domination évidente des Etats-Unis et de l’Europe “charrie la monoculture plutôt que la diversité (…) et expose la majorité des utilisateurs du monde à la collecte des données et à l’espionnage”, à la domination d’entreprises globales spécialistes de l’évasion fiscale.

Idem chez Louis Pouzin, concepteur du premier réseau à commutation de paquets, qui rappelle en préambule que “la gouvernance de l’Internet a été le sujet d’une discussion sans fin depuis le début de la préparation du Sommet mondial sur la société de l’information en 2001”, insiste lui aussi sur une domination des Etats-Unis, et une volonté de conserver cette emprise.

Dès le premier paragraphe, il aborde lui aussi de manière frontale la question de la surveillance de masse, et plaide lui aussi pour une politique de diversité régionale, avec des lois nationales sur la protection des données, contre l’évasion fiscale, contre les monopoles privés abusifs, ou pour contrebalancer au niveau local le pouvoir de l’Icann.

L’Icann pointée du doigt

Dans une “note de décryptage” (couplée à une étude plus approfondie), le think tank Renaissance numérique cite d’emblée l’ère “post-Snowden”, et insiste sur le retrait de la France et de l’Europe sur les questions de transparence, de protection des données personnelles, de neutralité du net ou de gouvernance.

Renaissance numérique salue toutefois NetMundial, qui a de fait l’intérêt de faire émerger des pays comme le Brésil, ce qui change des sempiternels représentants américains et européens des sommets sur la gouvernance du Net. Et rappelle le besoin de prendre en compte les “préoccupations citoyennes”. Dont fait partie la surveillance.

Notons enfin une interpellation, qui n’est pas une contribution, de Karl Auerbach, ancien membre du conseil d’administration de l’Icann – il a par ailleurs poursuivi l’Icann en justice pour le refus de cette dernière de lui ouvrir ses comptes lors de son mandat – sur la légitimité ou le rôle même de l’Icann :

“Entre de grosses lignes de revenus et des procédures de sélection qui assurent un conseil d’administration passif et peu curieux, l’Icann est devenu hors de contrôle. Ce manque de contrôle a encouragé les dirigeants de l’Icann à s’engager dans la construction d’un empire. Et ces empires doivent bien s’occuper, donc l’Icann a continué à croître en portant son intérêt et son autorité sur un nombre de plus en plus important de nouveaux sujets.”

Il va jusqu’à affirmer que, puisque le rôle technique de l’Icann est “infime”, celui-ci a surtout servi à défendre les intérêts de corporations. Et pose la question de la limitation du pouvoir de l’Icann, et de son devenir alors qu’il n’a pas de “maître”. Autant de questions qui auraient aussi pu être abordées au NetMundial.

Certes, le sommet n’est pas terminé. La deuxième journée débute à peine à l’heure brésilienne, et on pourrait voir des choses intéressantes se dessiner. Mais un fait demeure, selon Louis Pouzin : les organisateurs n’avaient pas prévu “la vague de contestation contre la surveillance de masse, la vente de données personnelles, et les violations des droits de l’homme”.

Feuille de route ou débats de fond ?

Faut-il rappeler que NetMundial tire son inspiration directe dans la prise de conscience du Brésil suite aux révélations d’Edward Snowden – notamment sur l’espionnage de la présidente Dilma Rousseff ? Même si le projet de document de NetMundial prévoit un passage sur la surveillance de masse des communications, qui “devrait être conduite en accord avec les obligations des Etats envers les droits de l’homme” reconnus par les traités internationaux, cela sent son compromis ONUsien à trois kilomètres.

Des commentateurs externes l’ont d’ailleurs relevé : le Washington Post recense quelques témoins attristés du caractère consensuel de NetMundial. Lors de la cérémonie d’ouverture hier, la surveillance de masse n’a été citée qu’une poignée de fois. La présidente du Brésil, virulente sur la question depuis septembre dernier, s’est pourtant attachée à remettre NetMundial dans cette lignée.

Les autres intervenants – dont Tim Berners-Lee, Vint Cerf ou Neelie Kroes – ont mis l’accent sur la nécessité de dessiner une feuille de route pour donner les clés de l’Icann à une organisation multipartite non contrôlée par les seuls Etats-Unis. Comme s’il n’y avait pas eu Snowden.

Ce qui soulève une question : est-ce de la Realpolitik de se concentrer sur l’Icann et sur les méthodes de gouvernance somme toutes assez techniques, pour atteindre de fait une gouvernance multipartite sur une fraction réduite de l’Internet ? Ou faut-il poser les vraies questions liées à la gouvernance, comme les données personnelles, l’évasion fiscale des géants du numérique, les monopoles, l’acculturation, la surveillance, etc.

La deuxième journée devrait apporter plus de réponses à cette question, sur laquelle se distinguent pour l’heure les tenants du consensus autour de l’Icann et des participants, souvent moins entendus, qui souhaitent voir le problème de manière plus globale.

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