(Fançais) En Ukraine, feu Blackwater fait reparler de ses « mercenaires »

ORIGINAL LANGUAGES, 19 May 2014

Camille Polloni – Le Nouvel Observateur/Rue89

Blackwater, la société militaire privée américaine connue pour ses bavures pendant la guerre en Irak, fait-elle son retour dans les affaires internationales ?

Le journal allemand Bild am Sonntag affirme ce dimanche que parmi les gros bras ukrainiens qui combattent les miliciens pro-russes se cachent 400 mercenaires d’Academi, le nouveau nom de Blackwater. Ils mèneraient des opérations de guérilla contre des rebelles pro-russes, autour de la ville de Slaviansk (Est).

Le journal s’appuie sur des communications radio entre des centres de commandement de l’armée russe, interceptées par la NSA et transmises à un service de renseignement allemand (le BND, équivalent de la DGSE). Si ces informations se confirment, tout un pan de l’histoire récente américaine est sur le point de ressurgir.

« La compagnie des années Bush »

Cyril Magnon-Pujo, doctorant qui prépare une thèse sur les activités internationales de sécurité privée, rappelle que Blackwater est « la compagnie des années Bush ».

Créée en 1997 par l’ancien Navy Seal Erik Prince, la firme a pris de l’ampleur après 2001 en travaillant en étroite collaboration avec l’administration américaine. Pour le chercheur, Blackwater « a rompu avec les codes du milieu qui s’est mis en place dans les années 1990-2000 ».

A l’époque, les SMP cherchent à se construire une image « low-profile », appellent de leurs vœux une régulation et revendiquent des « codes de conduite », aux antipodes du « stigmate mercenaire des années 70 » :

« D’une part le mercenaire est sans foi ni loi, d’autre part c’est celui qui fait des coups d’Etat et renverse des gouvernements légitimes au nom des intérêts de l’Occident. Les chiens de l’impérialisme, aux yeux des Etats du Sud. »

A contrario de cette tendance, Blackwater « affirme son côté “viril”, assume d’être le bras armé de la puissance américaine, et catalyse les critiques ».

« Les concurrents ont sauté sur l’occasion pour en faire le méchant de l’industrie. C’est la seule compagnie dont le nom ressort régulièrement, pourtant ce n’est pas la plus grosse. »

Deux changements de nom en cinq ans

Les heures de gloire et de honte de Blackwater ont lieu pendant la guerre en Irak. L’entreprise devient célèbre aux yeux du grand public quand elle commet des bavures. L’armée américaine met finalement un terme à son contrat en 2007, après une fusillade sur des civils.

Dans le même temps, le livre du journaliste américain Jeremy Scahill, traduit en français en 2008, jette une lumière crue sur les activités de Blackwater : fondamentalisme religieux de son fondateur, recrutement d’anciens militaires chiliens, privatisation de la guerre.

En changeant de nom une première fois pour devenir « Xe Services » (2009), l’entreprise tente de redorer son image ternie par les procès et la mauvaise publicité. La société est alors mise en vente par morceaux, explique le New York Times en 2010 :

« En mars, Xe Services a vendu sa filiale aéronautique, Presidential Airways, au groupe AAR Corp (basé dans l’Illinois). »

Le fonds USCT Holdings, contrôlé par Manhattan Partners et Forte Capital Advisors, rachète le reste en décembre 2010. Puis Xe Services change encore de nom un an plus tard.

Des vidéos d’hommes armés

L’entreprise s’appelle désormais Academi. Erik Prince s’en est allé. Academi, explique Cyril Magnon-Pujo, « a voulu prendre le contrepied de Blackwater » en termes d’image.

« Ils ont enlevé toutes les images d’armes sur leur site et mis en place un code de conduite interne. Cela ne doit pas leur faire plaisir que leur nom ressorte sur l’Ukraine. »

Depuis le mois de mars, des rumeurs persistantes évoquent la présence de Blackwater dans le pays. Des vidéos reprises entre autres par le Daily Mail montrent des hommes armés à qui la foule crie « Blackwater ! » et « Mercenaires ! ».

httpv://www.youtube.com/watch?v=s2uVyaKTQoU

Dans un communiqué, celle-ci dénonce alors « les rumeurs » relayées par « des blogueurs irresponsables et un journaliste web ».

« Des déclarations aussi infondées, sans éléments factuels ni contexte sur l’entreprise, ne sont rien d’autre que des efforts sensationnalistes pour créer l’hystérie et faire les gros titres en ces temps de véritable crise. »

Des « fuites » qui servent les Russes ?

Cyril Magnon-Pujo préfère rester prudent sur la crédibilité de ces allégations, faute de « contrats publics » ou accessibles et, pour l’instant, de témoignages de première main.

« Ce que font concrètement ces compagnies est souvent invérifiable. Même si les universitaires se doutent qu’elles réalisent des missions pour des services secrets, c’est très difficile à prouver. »

En tout cas, que la propagande russe s’appuie sur une réalité ou surfe sur la rumeur, elle bénéficie de la réputation sulfureuse de feu Blackwater. Cyril Magnon-Pujo estime que « les Russes vont s’en servir », en renouant avec la rhétorique anti-impérialiste pour pointer du doigt les mercenaires :

« Cela conforte l’idée que les Etats-Unis fomentent des révolutions en Europe de l’Est et donnent des formations militaires. »

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déjà affirmé publiquement que l’Ukraine cherche à recruter des combattants étrangers et qu’Academi serait sur les rangs.

De son côté, la Maison Blanche dément ce lundi les informations du Bild.

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