(Français) A la Coupe des BRICS, la Chine part favorite

ORIGINAL LANGUAGES, 14 Jul 2014

Sylvie Kauffmann – Le Monde

Le 15 juillet [2014], le Mondial sera fini, mais un autre match va se jouer au Brésil. Plus discret, moins festif. Et, pourtant, tellement XXIe siècle. Cette compétition-là a pour théâtre les BRICS, acronyme des cinq économies émergentes – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud – qui, en s’associant de façon informelle mais en voie d’institutionnalisation, peuvent apparaître comme le premier défi sérieux à l’ordre international issu de Bretton Woods, au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Les 15 et 16 juillet donc, les dirigeants des BRICS réunis à Fortaleza puis à Brasilia devront se mettre d’accord sur le lieu du siège de la future banque de développement qu’ils prévoient de créer. Et devinez ? Shanghaï tient la corde. Certes, les cinq pays contribueront à parts égales au capital initial de l’établissement, qui devrait être de 50 milliards de dollars (37 milliards d’euros). Mais les BRICS devraient aussi s’entendre sur la création d’un fonds d’urgence de 100 milliards pour faire face aux crises financières et, là, Pékin apportera la part du lion, 41 milliards de dollars. Quoi de plus naturel donc pour la Chine, assise sur une montagne de réserves de changes, que de revendiquer le siège de la future institution ?

D’autant plus que la Chine, toujours elle, a une autre banque en projet, régionale, celle-là : la Banque asiatique d’investissements en infrastructures. On peut parier qu’elle verra le jour avant la banque des BRICS, car même s’il s’agit d’une institution multilatérale, la Chine en est le maître d’œuvre et en sera le principal bailleur de fonds : efficacité garantie. Le président Xi Jinping en avait émis l’idée pendant sa visite en Indonésie, en octobre 2013. Depuis, l’idée a fait son chemin, pilotée par le ministre des finances, Lou Jiwei, et le patron du fonds d’investissement China International Capital Corp., Jin Liqun. Le Financial Times croit savoir que le capital initial, prévu de 50 milliards de dollars là aussi, allait en fait être doublé.

UN EMBRYON DE SYSTÈME PARALLÈLE

Qu’y a-t-il de commun entre ces deux projets ? Tous deux sont perçus comme des alternatives aux institutions qui forment l’ossature du système financier international hérité de Bretton Woods, dominé par les Etats-Unis, l’Europe et le Japon. Un embryon de système parallèle, en quelque sorte. Les commentateurs russes, d’humeur ouvertement anti-occidentale depuis la crise ukrainienne, ne font pas mystère de leur interprétation : la banque des BRICS, écrit le site de la radio La Voix de la Russie, « défie la domination financière américaine ». Et, au Brésil, les cinq pays « poursuivront leurs efforts pour réformer le système financier international, qui souffre d’un déséquilibre considérable en faveur de l’Occident ». Même s’il est peu probable que la banque elle-même soit créée pendant ce sommet, le ton est donné.

Les Chinois sont plus subtils. Lorsqu’il évoque la future Banque asiatique d’investissement, rivale directe de la Banque asiatique de développement (BAD), dominée par les Japonais, Lou Jiwei prend toujours soin de préciser qu’elle sera « complémentaire » de la BAD et de la Banque mondiale, plus richement dotées. Simplement, précise Pékin, la BAD et la Banque mondiale financent en priorité des projets centrés sur la lutte contre la pauvreté, tandis que la future banque d’investissements financera essentiellement des infrastructures, dont l’Asie a cruellement besoin.

Cerise sur le gâteau, mentionnée plus discrètement : ces prêts, au moins, ne seront pas accompagnés de conditions politiques, en vertu de la politique de Pékin de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, ni d’exigences de respect des droits de l’homme.

RÉÉCRIRE LES RÈGLES DU JEU

La différence sans doute déterminante entre les institutions de Bretton Woods et les projets de banques des émergents réside dans la répartition des parts au sein de ces banques. Le Japon et les Etats-Unis sont les plus gros actionnaires de la BAD, dont ils détiennent respectivement 15,7 % et 15,6 % des parts. Ces deux pays rassemblent plus d’un quart des votes, alors que la Chine n’en a que 5,47 %.

L’idée d’une banque régionale d’investissement créée par la Chine a provoqué « une grande nervosité à Manille », où se trouve le siège de la BAD, nous confie un économiste de la BAD. « Mais la concurrence nous obligera à être plus créatifs », se rassure-t-il.

Il reste que, dans le contextegéopolitique de l’affirmation de la puissance chinoise en Asie, du « pivot » américain vers l’Asie-Pacifique et d’un Japon clairement sur la défensive, une banque chinoise richement dotée pour financer des infrastructures le long de la Route de la soie constituera un instrument non négligeable du soft power de Pékin, nettement plus séduisant que sa puissance navale. La Chine a proposé à une vingtaine de pays de la rejoindre dans ce projet, notamment ce que l’on appelle dans le monde chinois « l’Asie occidentale », c’est-à-dire le Moyen-Orient. Le Japon, en revanche, n’a pas été sollicité. L’Inde, selon le quotidien The Hindu, vient de l’être.

Sommes-nous en train d’assister à la naissance d’un système alternatif à celui construit autour du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale ? La Chine a-t-elle décidé de réécrire les règles du jeu ? Rien n’est encore en place.

Mais il est difficile de reprocher aux pays émergents de réfléchir en dehors des structures existantes : en réalité, les réticences occidentales – et en particulier celles du Congrès américain qui bloque la réforme du FMI – à faire évoluer les institutions internationales pour leur donner la place qui leur revient les y encouragent.

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