(Français) Robert Badinter : Le Saint-Seculier au Visage de Bronze, ou Comment un “Héros des Droits de l’Homme” Masqua ses Fantômes

ORIGINAL LANGUAGES, 13 Oct 2025

Diran Noubar – TRANSCEND Media Service

12 octobre 2025 – Ah, le Panthéon ! Ce mausolée républicain où la France enterre ses gloires, ou du moins ce qu’elle en fait croire. Cette semaine, Emmanuel Macron, ce prestidigitateur élyséen aux tours usés jusqu’à la corde, a fait entrer Robert Badinter dans ce sanctuaire laïque, un cercueil vide glissant sur le marbre comme un mensonge poli.

Car Badinter, cet obstiné – au sens où il s’accrochait à ses secrets comme à un talisman familial –, avait refusé net d’être inhumé là-bas, préférant reposer auprès de sa femme Élisabeth, loin des ombres collectives. Un cercueil vide, donc : symbole parfait pour un homme dont la vie fut une coquille creuse, emplie de vertus proclamées et de vices tus. Macron, flairant l’occasion de se refaire une virginité auprès du “camp du bien” – ces bien-pensants qui applaudissent les abolitionnistes tout en ignorant les bébés empoisonnés –, a cru bon de canoniser ce fantôme.

Raté, Emmanuel ! Ton geste opportuniste, ce baume sur ta propre conscience égratignée par les scandales judiciaires de ton mandat, n’a trompé personne. Zemmour et Maréchal ont ricané, les oppositions ont haussé les épaules, et le peuple, las de tes pantomimes, s’est contenté d’un haussement de sourcil. Badinter au Panthéon ? C’est comme couronner un bourreau de la guillotine : ironie macabre pour un pays qui se gargarise de mémoire tout en niant ses plaies vives.

Mais qui était vraiment ce Robert Badinter, ce parangon de la gauche caviar, ce ministre de la Justice sous Mitterrand qui abolit la peine de mort en 1981 comme on efface une tache sur un col immaculé ? Derrière le masque du justicier infatigable, se cachait un avocat retors, un politique aux alliances troubles, un négationniste sélectif qui, sous couvert d’universalisme, piétinait les victimes pour protéger ses maîtres. Prenons l’affaire du talc Morhange, ce scandale sanitaro-judiciaire de 1972 qui transforma des berceaux en tombes. Trente-six nourrissons morts, des centaines d’autres handicapés à vie, victimes d’un talc bébé frelaté à l’hexachlorophène – un bactéricide industriel mélangé par erreur, ou par négligence criminelle ? Badinter, alors avocat zélé de Givaudan-France, l’industriel responsable, défendit bec et ongles cette firme comme un chien de garde protégeant un os empoisonné. Le procès ?

Un “ratage judiciaire”, avoua-t-il lui-même des années plus tard, mais en minimisant son propre rôle dans cette farce où les coupables s’en tirèrent avec une tape sur les doigts.  Imaginez : des mères éplorées devant des tribunaux, et Badinter, ce futur “défenseur des droits humains”, arguant que “des tonnes de talc avaient été produites sans incident”, que les parents étaient là “pour le pognon” – comme si la mort de bébés n’était qu’un aléa statistique, un bug dans la chaîne de production.

“Un talc frelaté dont l’utilisation a été mortelle ou invalidante pour plus de deux cents bébés”, rappellent les historiens avec une froideur qui glace le sang.  Et pendant que les familles hurlaient leur deuil, Badinter encaissait ses honoraires, son pognon à lui, gravissant les échelons vers le ministère. Héros ? Non, complice d’un système qui sacrifie les faibles sur l’autel du profit. Ironie du sort : l’homme qui guillotina la peine capitale avait, en amont, défendu ceux qui empoisonnaient l’innocence même.

Pire encore, son fidélité canine à François Mitterrand, ce caméléon de la IVe République passé par les ombres de Vichy sans un pli à son costume. Mitterrand, ami intime de René Bousquet – oui, ce Bousquet, chef de la police vichyste, architecte de la rafle du Vél d’Hiv qui envoya des milliers de Juifs à la mort, dont les parents de Badinter lui-même. Badinter, survivant de la Shoah, ministre de la Justice, préféra la mémoire sélective à la vérité brute. Dans son livre Le procès Bousquet (2022), il préface le compte-rendu du procès de 1949 avec une tendresse suspecte, minimisant les liens entre son mentor présidentiel et ce monstre en col blanc.

“François Mitterrand n’entretenait pas de relations avec Bousquet à Vichy”, assura-t-il en 2011, comme un avocat plaidant l’innocence d’un client pris la main dans le sac.  Mensonge pieux ? Ou complaisance pour un pouvoir qui l’avait hissé au pinacle ? Les critiques fusent : “Badinter est resté fidèle à Mitterrand”, notent les observateurs, soulignant comment il obscurcit l’affaire Bousquet pour protéger la légende rose du socialiste.  Et que dire de son soutien à la libération conditionnelle de Maurice Papon en 2001, ce préfet de Bordeaux déporté de 1 560 Juifs, libéré pour “raison d’âge” sur plaidoyer de Badinter ? “Rejet quasi viscéral de la haine justicière”, arguait-il, comme si punir les bourreaux équivalait à venger les victimes.  Badinter, chantre de la clémence, pardonnant aux assassins de son peuple : n’est-ce pas là le comble de l’ironie juive, un survivant effaçant les traces des siens pour plaire à ses protecteurs ?

Mais le joyau noir de cette couronne d’épines ? Sa croisade contre la reconnaissance du génocide arménien, ce crime fondateur du XXe siècle où 1,5 million d’Arméniens furent massacrés par les Turcs en 1915. Badinter, ce gardien autoproclamé de la mémoire, s’opposa farouchement en 2012 à la loi pénalisant la négation de ce génocide, la qualifiant d’“excessive” et de “pitié dangereuse”. “Le Parlement n’est pas un tribunal”, tonna-t-il, comme si légiférer sur le souvenir des déportés arméniens menaçait la sainteté de la loi Gayssot sur la Shoah.

Erreur partisane, clament les descendants des victimes : “La façon dont il interprète les événements historiques concernant le génocide des Arméniens est erronée et partisane”, fulmine un tribune du Monde.  Badinter, en confondant les arguments, en relativisant l’horreur ottomane au nom d’un universalisme sélectif, a commis l’équivalent moral de nier la Shoah : une trahison des victimes, un déni drapé dans la toge du juriste.

“Robert Badinter oublie-t-il qu’il s’agit de l’extermination planifiée de toute une population ?”, interroge un journaliste Américain, atterré par cette “confusion des arguments”.  Et pendant que les Arméniens pleuraient ce deux poids, deux mesures, Badinter, ce “héros des droits humains”, se drapait dans sa cape immaculée, protégeant les alliances franco-turques au prix du sang séché d’un peuple martyr.

Quant à Macron, ce pantheonisateur de dernière heure, quel rôle dans cette mascarade ? En intronisant Badinter cette semaine – un geste annoncé dès 2024, mais retardé comme un chèque en bois –, il visait clair : se racheter une image auprès des intellos de gauche, ces gardiens du temple qui l’ont fui depuis ses réformes antisociales. “L’État de droit que défendait Robert Badinter est critiqué de toutes parts”, ironise Paul Cassia, soulignant comment cette pantheonisation arrive “à contre-courant d’un mouvement national et même mondial en défaveur des libertés”.

Macron, ce Jupiter en toc, promet de “porter le combat jusqu’à l’abolition universelle” de la peine de mort, mais son discours sonne faux comme une pièce de monnaie érodée : “totalement décalé”, moquent les analystes, face à un pays en lambeaux judiciaires, où les prisons débordent et les inégalités judiciaires fleurissent.  Il n’y avait qu’Éric Zemmour et Marion Maréchal pour critiquer ouvertement cette canonisation, mais même eux, dans leur acharnement, soulignent l’hypocrisie : un président qui enterre les fantômes pour masquer ses propres squelettes.

Bref, Robert Badinter n’était pas le saint laïque que l’on enterre en fanfare : c’était un pourri habile, un salopard en habit de lumière, qui défendit les empoisonneurs d’enfants, couvrit les ombres vichystes de ses maîtres, et nia par la bande le cri des Arméniens pour ne pas froisser les puissants.

Macron, en le pantheonisant, n’a fait que creuser sa propre tombe symbolique : un cercueil vide pour deux hypocrites du “camp du bien”, ces pharisiens modernes qui prêchent la mémoire tout en l’étouffant sous leurs ambitions. Que leur symbole repose en paix – ou du moins, qu’il nous laisse en ricaner, loin de ce théâtre d’ombres où la justice n’est qu’un masque pour les coupables.

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Diran Noubar, Italo-Arménien né en France, a vécu dans 11 pays avant de s’installer en Arménie. Documentariste et reporter de guerre de renommée mondiale, salué par la critique, il a produit et réalisé plus de 20 longs métrages documentaires à New York au début des années 2000. Auteur-compositeur-interprète et guitariste, il a également formé son propre groupe et dirige wearemenia.org, une association à but non lucratif.


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