(Français) Pour Trouver la Paix au Mali, Il Faudra Ecouter

ORIGINAL LANGUAGES, 16 Aug 2021

Robin Edward Poulton, Ph.D. – TRANSCEND Media Service

La gouvernance démocratique ne signifie pas voter: elle signifie une vraie participation du peuple, donc la consultation et l’écoute. Injurier et crier n’avane personne et rien. Ecouter permet de comprendre.

Voici deux livres qui vont aider les Maliens à s’écouter.

Cher Lecteur, vous savez sans doute qu’une version en français du livre anglais The Limits of Democracy, (Poulton & Tonegutti) avait été publiée fin février 2019 par La Sahélienne à Bamako. Il est disponible désormais sur Amazon:

Paroles sur les Crises au Mali et les Limites de la Démocratie

Expériences et Analyses pour favoriser la Paix

Interviews réalisés par Robin Edward Poulton-Macky Tall, Kalifa Ahmadou Touré, Raffaella Greco-Tonegutti, Zakiyatou Oualett Halatine.

Avec les voix de:

Madame Raffaella Greco-Tonegutti

Madame Aminata Dramane Traoré

Madame Touré Safiatou Touré

Madame Fanta Sambou Diabaté

Madame Aïchata Oualett Ghacrimatou

Madame Zakiyatou Oualett Halatine

Madame Michelle Elcoat Poulton

Madame Loriana Dembele

Madame Kamissa Camara

Mademoiselle Maiga

Général Sirakoro Sangaré

Colonel Daouda Haïdara

Pasteur Nouh Ag Infa

Sory Ibrahima Diakité

Boubacar Boris Diop

Jeremy Keenan

Hallassy Sidibé

Illy Ag Elmehdi

Zeini Moulaye

Robin Poulton

Francis Koné

Kalifa Touré

Macky Tall

Ibrahim

Ahmed

PAROLES parce que ce sont une vingtaine de Maliens qui s’expriment – leurs noms sont dans cette liste et leurs paroles paraissent dans le livre.  En plus, PAROLES présente les points saillants du livre en anglais – une série d’idées qui vaut la peine d’être lue aussi. Les VOIX sont celles de femmes et d’hommes venant de tous bords: au lieu d’entendre les hommes politiques, vous lirez les perspectives de femmes originaires du sud et du nord du Mali, des réfugiés, des rebelles, des religieux et des experts socio-politiques sur la Région du Sahara.

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Ce livre se veut une contribution modeste à la paix. Il cherche la sérénité au Mali, par une explication éloquente des besoins de tout un chacun. Le livre commence par une présentation des points saillants et des conclusions du livre anglais. La deuxième partie du livre donne la parole à 25 interlocuteurs que nous avions interviewés entre 2012 et 2016 pendant la préparation du livre anglais.

Qui dit “paroles” propose “écoute”: ce livre fournit une opportunité aux différentes couches sociales et régionales de se faire entendre. Une dizaine de femmes et une douzaine d’hommes s’expriment dans le livre, derrière une Préface écrite par l’inoubliable Dr Mamadou Fanta Simaga, historien malien, conteur, sage, pharmacien, hôtelier, bibliothèque ambulante et ancien Maire de Ségou qui évoque les Mensonges sur lesquelles le Mali s’était construit.

Toute contribution à la discussion concernant l’entente et la paix au Mali, est utile dans les tristes circonstances dans lesquelles le pays se trouve en ce moment. Les expériences de combattants, des réfugiés et des humanitaires enrichiront la compréhension du lecteur, tout autant que les paroles des personnes qui cherchent à négocier la paix.

Vous trouverez dans ce livre en français des opinions intellectuelles et religieuses diverses: la voix d’un militaire expert en désarmement, du maire de Konna, d’un colonel de douane vivant les sanctions économiques imposées en 2012, de trois ex-ministres maliens. Vous allez rencontrer des rebelles armés qui expliquent leur cause et des hommes polémiquant contre ces mêmes rebelles.

Ecoutez surtout les femmes! L’entrevue avec une femme violée à Gao ne laissera personne indifférente. Il est à noter que les préoccupations des femmes (santé, enfance, malnutrition, violences, souffrances des familles refugiées, besoin de paix) sont fort différentes de celles des hommes (armes, désarmement, politique, accords sur la paix).  Ce n’est pas par hasard que j’avais organisé en 2013 à Richmond une conférence Women War & Peace focalisée sur le Mali, ainsi que sur le Libéria où deux femmes avaient reçu le Prix Nobel de la Paix: Ellen Johnson-Sirleaf et Laymeh Gbowee.

Si on avait confié aux femmes la tâche de négocier la paix, des solutions maliennes auraient pu s’imposer en 2012 comme cela avait été le cas en 1995-96 avec La Paix de Tombouctou négociée par la société civile malienne avec les femmes en leaders. Ce dernier est le titre du livre que j’avais publié avec les Nations Unies (UNIDIR 1999 – de Poulton & Ag Youssouf, avec une Préface de Kofi Annan).

Vous pouvez lire ce livre gratuitement sur l’internet.

Mon livre The Limits of Democracy and the Postcolonial Nation State: Mali’s democratic experiment falters, while jihad and terrorism grow in the Sahara qui est résumé dans le livre PAROLES, reprend l’histoire du Mali à partir de 2002 avec l’arrivée au pouvoir du président feu Ahmed Toumani Touré (ATT), successeur du Dr Alpha Oumar Konaré (AOK) qui avait participé au renversement en 1991 de la dictature militaire. Le régime corrompu du feu Général Moussa Traoré avait duré 23 ans.  Les militaires dominent le Mali depuis la conquête française, brutalisant al population dès les années 1880.  ATT ancien militaire gérait le pays à la façon d’un Moussa Traoré, privilégiant le personnel et l’arbitraire au detriment des institutions de gouvernance démocratique que AOK avait mises en place.

Dr Mamadou Fanta SIMAGA est un écrivain estimé dans son pays – chercher ses vidéos YouTube.

C’était un honneur pour nous d’avoir son nom sur la covertue du livre PAROLES.

Je vous offre ici la Préface de notre livre:

« Le Mali entretient des Mensonges » par le Dr Mamadou Fanta SIMAGA

Ancien député et maire de Ségou

Citoyen d’Honneur de la Région de Ségou

Auteur et Bibliothèque vivante sur la culture malienne

Quand je dis que le Mali vit sur le mensonge, cela fait bondir les gens. Mais il ne s’agit pas d’un mensonge seulement !  Tant que les multiples peuples du Mali ne s’écoutent pas, tant qu’ils se vantent tout le temps de leur noblesse et de leur prouesse, les Maliens n’arriveront pas à solutionner les multiples problèmes qui nous font tant de mal depuis 2002.

Voici quelques-uns des mensonges que nous entendons tous. On peut commencer par les femmes. Le premier grand leader et guerrier du Sahel malien était une femme : la Reine Kahéna qui dirigeait les Iforas et qui est morte sur le champ de bataille en l’an 678 en essayant de repousser les Arabes envahisseurs. Elle avait prédit sa propre mort, disant à son peuple touareg que les arabes allaient prendre Tombouctou, ville dont ils resteraient maîtres jusqu’à ce que d’autres Touaregs les chassent. L’histoire de Tombouctou avait donné raison à la prédiction de Kahéna. Aujourd’hui alors que les Touaregs et tous les autres Maliens essayent de repousser une nouvelle invasion arabe et jihadiste, on devrait placer des statues de la Reine Kahéna à Kidal et à Gao et à Tombouctou.

Si les femmes sont capables d’être guerrières, elles sont capables également de faire la Paix. Nous avons vu la preuve de ceci pendant les négociations pour la paix entreprises par toutes les forces vives du Mali en 1994-1996, qui nous avaient donné La Paix de Tombouctou et la Flamme de la Paix qui avait marqué le monde entier. Cette paix avait été une réussite malienne. Ce Modèle Malien pour la Paix est devenu une référence pour les négociations de la paix sur tous les continents. Pourquoi donc les actuelles négociations soi-disant « pour la paix » se tiennent-elles uniquement entre hommes armés et sans la participation des femmes ?  Depuis quand les hommes armés faisaient la paix ? Leur rôle est plutôt de faire la guerre.

Troisième mensonge : l’idèe féodale que le Mali aurait une caste de nobles …. Nous avons avalé le concept français d’une noblesse qui n’a rien de malien. Pas plus que la conception de castes, une idée hindoue qui n’a aucune validité dans notre culture. Le mot horon signifie « homme libre » : c’est-à-dire un homme qui cultive ses propres champs pour son propre compte et qui n’est pas esclave. Cela signifie que 80% des Maliens sont descendants d’esclaves. C’est une vérité, même si cela choque les Maliens.

Les seuls peuples maliens qui n’ont jamais été esclaves sont les nyamakala. Ce mot signifie le contre-pouvoir : ce sont « les gens qui regardent le Chef » et lui demandent des comptes. Les djély peuvent le faire par le verbe, le kuma dont ils sont les maîtres kumatigi. Au pays mandingue, le vrai mot pour les griots (un mot portuguais) ne signifie pas le chant, mais le sang : les mots djély ou djoly nous rappellent que le sang de la société malienne passe par les messages et les mémoires de nos historiens et communicateurs professionnels.

Les djély sont endogames, certes, tout comme les forgerons et les cordonniers, ils se marient entre eux. Mais cela ne signifie pas qu’ils sont castés – il s’agit d’une déformation française de notre société basée à la fois sur l’ignorance de la culture africaine et sur l’influence sur les conquérants de leur comptoir indien à Pondicheri. Le Mali n’a rien à voir avec Pondichéri !

Une absurdité est arrivée dans notre vie politique grâce à Pondichéri, quand on entend que le forgeron ne peut pas accéder au plus haut rang de l’Etat parce qu’il n’est pas horon. En effet, le forgeron ne cultive pas ses champs : il les fait cultiver par d’autres parce qu’il est train de fabriquer des outils pour les cultivateurs, les armes pour les chasseurs et les guerriers, la magie pour atteindre et attirer l’influence des ancêtres. Les forgerons étaient les hommes et les femmes les plus puissants du Manding, des Chefs et des Prêtres. L’Empire du Wagadu avait été fondé par les Cissé forgerons. Plus tard, Wagadu a cédé la place au Royaume de Soso, dont le Roi Sumanguru Kanté était le plus grand sorcier et forgeron de son époque. L’an 1235 verra pour la première fois sur nos terres, l’ascendance des chasseurs quand Sunjata Keita battra Sumanguru à la bataille de Kirina.

Il me plaît de vous raconter ces anecdotes, parce que le Mali a besoin de se réveiller ! Assez de notre ignorance !  Assez des mensonges !  Qui ne connaît pas la vérité de son histoire, est condamné à se tromper tout au long du chemin qui constitue la vie d’un homme. Pour que le Mali retrouve son bon chemin, les Maliens devront commencer à s’écouter, à parler ensemble, à chercher à comprendre les besoins de l’autre. Grand pays de commerce construit autour du Fleuve Niger, artère du commerce et de l’agriculture, l’Empire Mali-Songoy s’était construit sur la base des échanges de matières, de récoltes, des produits d’élevage et de la chasse (y compris de la pêche). Ces échanges ne pouvaient pas se réaliser sans les échanges de connaissances et d’amitiés qui avaient construit notre société et notre culture.

Depuis l’Indépendance du Mali en 1960, comment nos dirigeants ont-ils géré la succession des fiers empires qui avaient fait la renommée de l’Afrique ? Est-ce que la mal-gouvernance du Mali, depuis 1960, n’est pas à la base de nos crises en ce début du 21e siècle ?  Dans un récit « Les Chants du Kandjo » que j’avais publié en 2004, on trouve à la page 20 les observations du jeune médecin Allaye qui revient de France en 1967 pour servir le peuple rural de son pays : «Là au milieu des démunis, il ne tarda pas à se rendre compte que si un président africain avait dit au début des indépendances que les Occidentaux et les Russes voulaient manger l’Afrique, les uns à la sauce blanche et les autres à la sauce rouge, force lui fut de reconnaître que les Africains se sont mangés eux-mêmes à la sauce noire, les chefs d’arrondissement se montrant plus exploiteurs et cyniques que les colons blancs. La masse écrasée d’impôts de toutes sortes, n’a plus que le dénuement pour espoir. »

Ce sont les relations entre Africains qui ont permis à notre société de survivre depuis que 120 années de répression militaire avaient commencé avec l’invasion française vers les années 1880.  Il faut se demander si le téléphone et l’internet ne sont pas en train de détruire en 2018 les échanges entre hommes et entre femmes qui ont été depuis 2000 ans la base de notre capital social.

Dans tous les cas, voici un livre de paroles, qui permettront à qui les écoutera de mieux connaître le Mali et le point de vue de tout un chacun. Les Maliens ont besoin de s’écouter. Ce que j’apprécie surtout dans ce livre, c’est la place qu’occupent les femmes : presque 50%. C’est normal. Si on avait 50% de femmes ministres, 50% de femmes juges et préfets et gouverneurs, le Mali serait différent de ce que nous vivons aujourd’hui. Parce que les femmes écoutent en général plus attentivement que les hommes, je crois qu’un tel Mali serait préférable : plus paisible, plus tolérant, moins enclin à prendre les armes à feu pour régler nos différences.

Bravo donc pour ce livre qui permet aux femmes et aux hommes du Mali de se parler, et qui les encourage à s’exprimer avec franchise.  C’est de cela que nous avons besoin, pour sortir le Mali de ses crises.

Dr Mamadou Fanta SIMAGA

Bamako, Janvier 2019

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TOUJOURS DANS LE SOUCI D’ECOUTER POUR MIEUX COMPRENDRE, voici un deuxième livre de PAROLES que je vous recommande : Femmes touarègues dans la tourmente présente des expériences de femmes touarègues, livrées par l’auteure distinguée Zakiyatou Oualett Halatine. ZOH est l’un des co-auteurs du livre PAROLES, une amie de longue date de ma famille qui a oeuvré pour la paix, qui a travaillé pour les Nations Unies, qui fut ministre du tourisme au Mali avant de quitter son pays sous menaces de mort.

Femme touarègue et femme de Targui (la forme singulier signifiant « un homme touareg »), auteure malienne reconnue et admirée, Zakiyatou avait interviewé de nombreuses femmes et des hommes aussi, dont elle rapporte dans son livre les paroles décrivant leurs expériences de famille, de guerre, souvent de fuite vers les camps de l’UNHCR, l’agence onusienne s’occupant des refugiés.

Vous ne lirez pas ici ni les paroles d’hommes politiques, ni de généraux, ni celles des rebelles mais uniquement les réactions et les sentiments des victimes. Zakiyatou possède un style littéraire fine, une maîtrise parfaite de la langue française qu’elle avait perfectionné au Lycée des Jeunes Filles à Bamako, avant de poursuivre en Ukraine ses études d’ingénieure : elle est polyglotte avec une maîtrise des langues tamachek, sonrai, bambara, français, russe et enfin l’anglais. Préparez-vous à découvrir dans ce livre, des histoires déchirantes racontées par des Femmes touarègues dans la tourmente.

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Robin Edward Poulton, Ph.D. est membre du réseau TRANSCEND pour la paix développement environnement, auteur de nombreuses œuvres sur la paix et le désarmement en Afrique, mais aussi au Cambiodge et en Afghanistan. Conseiller de nombreuses fois du PNUD et de l’UE, ancien professeur à la Virginia Commonwealth University aus USA et de l’Université Coopérative Internationale en Afrique de l’Ouest, il avait créé EPES Mandala Consulting pour promouvoir la paix. Ses livres le plus récents sont Paroles sur les Crises au Mali et les Limites de la Démocratie : Expériences et Analyses pour favoriser la Paix (sous la direction de Robin Pouton, Amazon 2021); ) ; Peace is Possible: Exchanging Weapons for Development and how we disarmed the Khmer Rouge with wit, bluff and balloons (Amazon 2020); Sister Cities: A story of friendship from Virginia to Mali (by Ana Edwards & Robin Poulton, Brandylane 2019); The Limits of Democracy and the Postcolonial Nation State: Mali’s democratic experiment falters, while jihad and terrorism grow in the Sahara (by Robin Poulton and Raffaella Greco Tonegutti, Mellen 2016). poultonrobin@gmail.com

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