(FRENCH) AFRIQUE DE L’OUEST: LES RESSORTS D’UNE ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

COMMENTARY ARCHIVES, 17 Jul 2009

Abdou Salam Fall, Cheikh Guèye

Le regain d’intérêt que suscite l’Economie sociale solidaire est inséparable de l’urgence de changement de paradigme dans le processus de création de richesse en particulier dans les sociétés du Nord. Le décalage entre richesse et bien-être suffit à marquer le malaise.

Ainsi de plus en plus d’auteurs ( Bertrand de Jouvenel, 1968, Dominique Méda, 2000, Patrick Viveret 2002) en appellent à des changements radicaux des représentations de la richesse dans le Nord.

S’en prenant aux instruments de mesure de la richesse, ils montrent leur artificialité et leur subordination à une vision individualiste et mécaniste de l’univers de pensée. Bertrand Jouvenel écrivait déjà en 1968 : “ L’anatomie de la richesse n’est pas une physiologie du bien-être ” (Méda, 2000 :303).

Autrement dit, le processus d’accumulation de richesse n’est point condescendant de la qualité de vie qui capture l’essence collective de l’humain. Selon Dominique Méda (2000 :65) la dimension subjective qui fonde le bonheur reste ignorée par la comptabilité nationale qui a une “ incapacité congénitale à construire un indicateur de bien-être national ”. A son avis, la comptabilité nationale est “ construite sur des postulats individualistes dont elle n’a pas su se départir en deux siècles (Méda, 2000 :66).

Cette critique est reprise et amplifiée par Patrick Viveret (2002) dans son texte récent intitulé “ Reconsidérer la richesse ” où il démontre que les indicateurs que sont le Produit Intérieur Brut (PIB), le taux de croissance et la comptabilité nationale valorisent la destruction et la réparation. En effet, écrit-il : “ La fameuse croissance du produit intérieur brut qui sert de boussole à la plupart de nos responsables a en effet ceci de remarquable qu’elle se moque de la nature des activités qu’elle additionne pourvu que celles-ci génèrent des flux monétaires ” (2002 :7).

Ces différents auteurs s’accordent sur la non prise en compte des facteurs qualitatifs de richesses tout en fustigeant la marchandisation qui remonte aux catégories privilégiées depuis la révolution industrielle : “ l’individu, le désir et la raison calculatrice au service de ce désir ”.

Cette vision ignore les inégalités, les valeurs référentielles des différents mondes sociaux et civilisationnels, le sens que les acteurs sociaux donnent à leurs actions et à leur vie. Cette vision a-t-elle franchi les frontières pour se diffuser en Afrique ?

On sait que les logiques de domination et de pillage (esclavage, colonisation, plans d’ajustement structurel , privatisation) dont l’Afrique a été l’objet successivement sur la longue durée ont eu pour conséquence de :

· faire s’étioler les valeurs humaines qui sont les référents structurels de sociétés fondées sur des dynamiques de groupe ;

· provoquer le recul des politiques sociales et leur confinement ; subvertir le sens que les acteurs sociaux donnent à leur vie et à leur culture ;

· présenter le profit comme la finalité économique dans des sociétés, pourtant rythmées par des réciprocités et échanges pluriels qui font que l’identité de chacun s’acquiert dans ses groupes d’appartenances.

Comment donc se porte le capital social comme référent majeur dans le continent en proie à une pauvreté qui s’élargit et s’approfondit et dont la cause est d’abord à trouver dans le caractère extraverti des politiques publiques ?

Comment l’économie sociale et solidaire peut-elle offrir un cadre théorique et opérationnel de résistance et de construction d’alternative au néo-libéralisme et à ses effets dévastateurs ?

Le défi de cet exercice est de valoriser la créativité épanouissante tout en prenant nos distances vis-à-vis du populisme faisant des pratiques du peuple, une mine sans fonds dans laquelle il suffit de puiser.

Les pratiques d’économie sociale et solidaire se situent au cœur des dynamiques de la transformation sociale accélérée. L’économie sociale et solidaire traduit l’échec du modèle néo-libéral et met en lumière les innovations portées par des secteurs et acteurs ayant évolué en marge du système dominant. L’économie solidaire est porteuse d’une approche de développement de l’intérieur des sociétés dominées.

La réussite relative de l’économie sociale en Afrique repose avant tout sur une capacité des individus et du groupe à anticiper les évolutions tout en gardant la souplesse dans les stratégies. L’économie sociale et solidaire par exemple a toujours été à la fois celle du partage et de l’accumulation, du profit monétaire et des plus-values symboliques (derem ak ngerem).

Elle a une dimension d’affiliation qui fait de la convention un lieu de confiance qui fonctionne comme un lubrifiant. Les logiques familiales, lignagères, religieuses en sont des composantes essentielles. La recherche du “ derem ” avec le “ ngerem ” est le fondement de l’entreprenariat et l’indicateur de la réussite. Elle incite à la générosité, à l’assistance et à l’investissement dans le capital de relations. C’est une économie qui a même souvent des supports mystiques et un fondement religieux. Les actes économiques ont pour objectif également le paradis. L’intérêt pour ce type de logique est un début de reconnaissance.

Cette contribution est structurée en deux parties :

· L’économie solidaire et sa résonance en Afrique de l’Ouest

· Les acteurs de l’économie sociale et solidaire : une économie de réseau.

GO TO ORIGINAL – CETRI, CENTRE TRICONTINENTAL

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